vendredi 17 octobre 2014

La Mémoire Traversée:
Paysages & visages de la Grande Guerre

Vernissage le 30 octobre 2014 - 18H00
Commissaires:  Gabriel Bauret et Laurent Loiseau
À L'Éléphant Paname, Paris
31 octobre au 18 janvier


 
© Bertrand Carrière

Photographes:
Alain Fleisher, Bernard Plossu, Bertrand Carrière, Chloe Dewe Mathews, Cyrille Weiner, Eric Poitevin, Gilbert Fastenaekens, Gérard Rondeau, Jacques Grison, Jean Richardot, Jean S. Cartier, Jean-Claude Couval, Jean-Pierre Gilson, Jeanloup Sieff, Marc Beckman, Marie-Hélène Le NY, Michael St Maure Sheil, Michel Castermans, Paolo Ventura, Patrick Bard, Patrick Tourneboeuf, Philippe Bertin, Philippe Bréson, Philippe Schuller, Stéphane Duroy, Yan Morvan


La Mémoire Traversée
La photographie témoigne habituellement de l’actualité, c’est-à-dire de l’histoire en train de s’écrire ; celle qui est présentée dans l’exposition La Mémoire traversée  raconte le passé à travers des traces souvent promises à la disparition.

Les derniers témoins survivants de la Grande Guerre sont partis avec leurs paroles, il ne reste que leur image ou leurs écrits, les objets qu’ils ont possédés ou les paysages qu’ils ont foulés de leurs pieds. Ce sont ces éléments que le créateur s’approprie pour dire le rapport qu’il entretient avec l’histoire ; et c’est de cette manière aussi qu’il interroge et réactive la mémoire, qu’elle soit collective ou individuelle. La photographie prend alors la forme de l’évocation, elle cultive le symbole, sollicite l’imaginaire et le sens se loge parfois hors du cadre de l’image. Si tous ces détours se révèlent signifiants, ils sont également chargés d’émotion.

À la différence de projets à caractère scientifique et consistant le plus souvent à recueillir des documents d’archives ou des objets qui ont traversé le temps, l’exposition La Mémoire traversée réunit des oeuvres qui traduisent des sensibilités d’aujourd’hui,aussi libres que subjectives. Elle mêle des créateurs français et étrangers, issus de générations, formations et cultures différentes, et qui par conséquent entretiennent des liens très divers avec l’histoire. Certains vivent sur les territoires où la guerre s’est installée, ils en sont parfois même imprégnés depuis l’enfance ; d’autres, venus d’horizons lointains, ne font que passer sur les champs de bataille aujourd’hui sanctuarisés ou à proximité de monuments qui rendent silencieusement les honneurs aux combattants. D’autres encore montrent l’absence de tout signe renvoyant à la guerre. Et c’est cette diversité d’approches que l’exposition a choisi de mettre en scène et en lumière.

Les photographes et artistes contemporains n’ont pas attendu le déploiement actuel des célébrations du Centenaire de la Grande Guerre pour aborder cet épisode de l’histoire. Selon un rythme et des préoccupations qui leur sont propres, beaucoup ne cessent de développer sur ce thème un original travail de mémoire.

Gabriel Bauret


MÉMOIRE DES TRACES
TRACES DE MÉMOIRES

Depuis la résurgence de l’engouement pour la Grande Guerre, les photographes ont arraché aux paysages la douleur d’une généalogie tourmentée par les 1.563 jours de guerre qui ont tué en moyenne 900 Français et 1.300 Allemands par jour. Sillonnant les 700 kilomètres de front, plongeant dans les entonnoirs cyclopéens, les artistes ont su montrer, avec talent la trace brute d’un relief qui ne cesse de dire la cruauté d’une guerre de matériel qui priva 500.000 soldats de sépultures et les familles d’un deuil légitime.

De cette quête, on ne ressort pas indemne. Photographier un paysage de guerre, c’est d’abord se confronter à sa propre histoire. Comme les soldats, beaucoup de photographes ont souffert de la boue des Flandres et suffoqué dans la craie de Champagne. Plus encore, la plupart ont du se confronter à l’absence, à la Nature toute puissante qui lutte pour reprendre ses droits. Car la paix durable a aussi fait disparaître le vestige. Les témoins de pierre ont roulé dans l’océan des « champs d’honneur » chers à Jean Rouaud.
Le photographe fait alors surgir une vision particulière d’où naît une interrogation : de quoi le paysage de la Grande Guerre est-il la trace ? La Mémoire traversée questionne autant la signification de la ruine abandonnée ou muséographiée que le désarroi du photographe devant l’absence. Dans ce paysage lourd d’un sens égaré, est-il un témoin, un artiste ou un intrus ? Au-delà des paysages de mémoire ou d’histoire, la photographie dévoile l’intimité de son auteur et dessine sa relation profonde avec la terre, la famille, la Nation. Ce faisant, il nous interroge directement et interpelle les acteurs et dépositaires de cette mémoire. Que voulons-nous léguer,
faire ressentir ? De leur quête parfois vaine, souvent hallucinée, s’exprime une sensibilité contrastée. En ressortent des images d’une puissance peu commune, parfois dérangeantes, où l’on comprend que Mémoire et Histoire sont souvent peu compatibles.
Au coeur de ce temps fort des commémorations, La Mémoire traversée nous apporte une aide précieuse pour penser l’après-Centenaire.

Laurent  Loiseau