Le Capteur est présenté du 28 septembre au 9 décembre
2012
à la Maison de la culture de Longueuil
Édifice Marcel-Robidas
300, rue Saint-Charles Ouest, Longueuil
Depuis 2006, je
travaille à la construction du projet Le Capteur, un journal
photographique en plusieurs volumes, des livres où se
côtoient et s’entrechoquent les différents aspects de ma production. Éliminant
les barrières thématiques habituelles, ce journal visuel crée une collection de
balises visuelles, forçant des rencontres événementielles ou temporelles improbables
entre les images.
En utilisant
des motifs et des signes récurrents, je construis un territoire, tel un atlas,
où l’ordinaire côtoie l’insolite. L’essentiel de ma démarche repose sur ce que
le présent me propose, en tout moment et en tout lieu. J’utilise la structure
du journal pour explorer les limites de l’expérience privée, pour façonner
des récits.
Ce projet c'est est aussi la chronique de
mon aventure numérique. Je travaille avec l'âme de l'amateur, avec un petit
appareil à l'aspect simple et non intrusif qui permet de donner libre cours à
mes intuitions. La pratique
automatique devient ici une théorie de travail, un engagement dans le potentiel
visuel du flot des activités du quotidien et de leurs incessantes
transformations.
Chaque mois, mes cartes mémoires sont
vidées afin de constituer un nouveau chapitre dans ce projet fleuve. Puis, un
livre est préparé grâce à un logiciel de mise en page en ligne. Le livre est la
partie centrale de ce projet, la véritable forme finale où vivent les images.
. . .
J'ai toujours
cru qu'un nouvel appareil-photo devait avoir son projet bien à lui afin de
devenir partie intégrante de ma démarche. Lorsque j'ai eu mon premier appareil
numérique de poche, j'ai tout de suite décidé de lui assigné la tâche de l'appareil
stylo, celui par lequel j'allais amorcer mon journal photographique. Longtemps
souhaité, cette démarche de la photographie quotidienne devenait soudainement
possible et surtout plus simple grâce à la visibilité et l'organisation
immédiate des images.
Je me suis
alors intéressé à revoir la notion même de ce qu'est un projet photographique.
Normalement, un projet offre une direction visuelle et parfois géographique
claire. Or, avec Le Capteur, j'explore la possibilité de créer un véritable
journal où les règles habituelles sont revues.
Mais au-delà de la pratique, de la captation
et de l'accumulation, il y a aussi la publication. C'est en cherchant à organiser mes
images que j'ai découvert les possibilités de créer des livres à partir de ces
images. Depuis,
l'impression de livres d'images uniques est devenu la forme définitive du
projet. Le livre devient le lieu d'organisation et de rencontre des images.
Alors que les images se présentent différemment selon les lieux d'exposition,
les images et la mise en page demeure immuable.
Le Capteur a pu voir le jour grâce à
l'invitation de Mona Hakim à créer une exposition avec moi pour le centre
Séquence à Chicoutimi à l'été 2011. Voici ce que la commissaire en dit:
Bertrand Carrière est bien sûr le seul à pouvoir
manipuler les ficelles de sa trajectoire personnelle, à reconstituer les bribes
d’une identité déterminée par les territoires explorés. En revanche, le travail
de collaboration entre le photographe et la commissaire vient ici introduire un
regard croisé sur l’ensemble de l’œuvre. Un travail d’intersubjectivité qui a
permis de manœuvrer librement dans ce réservoir d’images furtives et d’en
prélever les récurrences et les incidences. Ainsi, accompagnant les douze
volumes déposés sur les tables de lecture, une quarantaine de photographies
extraites de l’ensemble des albums défilent sur les murs de la galerie, comme
des détails magnifiés d’un livre grand ouvert. Leur étalement sur les cimaises,
où est excluent tous repères chronologiques, exacerbe une syntaxe visuelle
constituée de façades, routes, livres, fenêtres, paysages, portraits de
famille, figures appartenant à l’histoire de la photographie, ou autres
textures et surfaces atmosphériques, comme autant de signes incontournables
dans l’œuvre de Carrière.
Mona Hakim
extrait du texte Le Capteur
Opuscule d'exposition