jeudi 4 octobre 2012

LE CAPTEUR



Le Capteur  est présenté du 28 septembre au 9 décembre 2012
à la Maison de la culture de Longueuil
Édifice Marcel-Robidas
300, rue Saint-Charles Ouest, Longueuil



Depuis 2006, je travaille à la construction du projet Le Capteur, un journal photographique en plusieurs volumes, des livres où se côtoient et s’entrechoquent les différents aspects de ma production. Éliminant les barrières thématiques habituelles, ce journal visuel crée une collection de balises visuelles, forçant des rencontres événementielles ou temporelles improbables entre les images.

En utilisant des motifs et des signes récurrents, je construis un territoire, tel un atlas, où l’ordinaire côtoie l’insolite. L’essentiel de ma démarche repose sur ce que le présent me propose, en tout moment et en tout lieu. J’utilise la structure du journal pour explorer les limites de l’expérience privée, pour façonner des récits. 

Ce projet c'est est aussi la chronique de mon aventure numérique. Je travaille avec l'âme de l'amateur, avec un petit appareil à l'aspect simple et non intrusif qui permet de donner libre cours à mes intuitions.  La pratique automatique devient ici une théorie de travail, un engagement dans le potentiel visuel du flot des activités du quotidien et de leurs incessantes transformations.

Chaque mois, mes cartes mémoires sont vidées afin de constituer un nouveau chapitre dans ce projet fleuve. Puis, un livre est préparé grâce à un logiciel de mise en page en ligne. Le livre est la partie centrale de ce projet, la véritable forme finale où vivent les images.

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J'ai toujours cru qu'un nouvel appareil-photo devait avoir son projet bien à lui afin de devenir partie intégrante de ma démarche. Lorsque j'ai eu mon premier appareil numérique de poche, j'ai tout de suite décidé de lui assigné la tâche de l'appareil stylo, celui par lequel j'allais amorcer mon journal photographique. Longtemps souhaité, cette démarche de la photographie quotidienne devenait soudainement possible et surtout plus simple grâce à la visibilité et l'organisation immédiate des images.

Je me suis alors intéressé à revoir la notion même de ce qu'est un projet photographique. Normalement, un projet offre une direction visuelle et parfois géographique claire. Or, avec Le Capteur, j'explore la possibilité de créer un véritable journal où les règles habituelles sont revues.



Mais au-delà de la pratique, de la captation et de l'accumulation, il y a aussi la publication. C'est en cherchant à organiser mes images que j'ai découvert les possibilités de créer des livres à partir de ces images. Depuis, l'impression de livres d'images uniques est devenu la forme définitive du projet. Le livre devient le lieu d'organisation et de rencontre des images. Alors que les images se présentent différemment selon les lieux d'exposition, les images et la mise en page demeure immuable.

 Le Capteur a pu voir le jour grâce à l'invitation de Mona Hakim à créer une exposition avec moi pour le centre Séquence à Chicoutimi à l'été 2011. Voici ce que la commissaire en dit:

Bertrand Carrière est bien sûr le seul à pouvoir manipuler les ficelles de sa trajectoire personnelle, à reconstituer les bribes d’une identité déterminée par les territoires explorés. En revanche, le travail de collaboration entre le photographe et la commissaire vient ici introduire un regard croisé sur l’ensemble de l’œuvre. Un travail d’intersubjectivité qui a permis de manœuvrer librement dans ce réservoir d’images furtives et d’en prélever les récurrences et les incidences. Ainsi, accompagnant les douze volumes déposés sur les tables de lecture, une quarantaine de photographies extraites de l’ensemble des albums défilent sur les murs de la galerie, comme des détails magnifiés d’un livre grand ouvert. Leur étalement sur les cimaises, où est excluent tous repères chronologiques, exacerbe une syntaxe visuelle constituée de façades, routes, livres, fenêtres, paysages, portraits de famille, figures appartenant à l’histoire de la photographie, ou autres textures et surfaces atmosphériques, comme autant de signes incontournables dans l’œuvre de Carrière.

Mona Hakim
extrait du texte Le Capteur
Opuscule d'exposition